Panique avec Emilie Caie

Salut Emilie. Tu vis et travailles à Paris, tu es aussi passée par Bruxelles, là où je t’ai rencontrée. Tu es peut-être passée par d’autres endroits. est-ce que les lieux où tu te trouves t’inspirent et si oui dans quelle mesure?
Emilie Caie : Salut Charly, c’est pas tant les lieux qui m’inspirent mais plutôt les scènes qu’on y trouve. Et j’apprends doucement à les regarder, souvent je vois des images dans la rue, dans le métro, et je me dis « ça il faut que je le dessine ». C’est à Paris ou au milieu de la forêt, c’est une personne ou un champignon, un animal, ça me donne une émotion que je veux retranscrire. Parfois je les oublie, souvent même, mais je suis sure qu’elles reviendront toutes seules comme des grandes.

Te sens-tu libre à Paris?
Emilie Caie : Ça dépend des périodes. Paris, c’est plein d’avantages et plein d’inconvénients auxquels on est obligé d’être confronté. Je pense que je pourrais me sentir plus libre ailleurs, mais peut être que je serais perdue si je l’étais plus.


Quand je t’ai évoquée le thème de ce numéro de Han Han, tu m’as répondu que tu ne voyais pas beaucoup d’amour dans tes dessins, qu’y vois-tu alors? Et qu’as-tu envie de partager avec celui et celle qui les regardent?
Emilie Caie : Ahah, oui, je vois pas réellement d’amour dans mes dessins. Peut-être des similis, des tentatives, mais pas d’amour réel, ni entre des personnes, ni avec les choses extérieures. J’y vois plutôt de la violence, des rapports sociaux absurdes et compliqués, de la frénésie. Et pour ce qui est du partage avec celui.lle qui regarde, je pense que j’ai envie de bouleverser. Déranger. Après j’essaye quand même de ne pas trop y penser pendant que je créé parce que je ne voudrais pas mettre de message spécifique, et du coup perdre une sorte d’impulsivité et de me retrouver dans quelque chose de trop facile à lire. J’aime l’idée que chacun.e puisse y voir ce qu’il.elle veut, et ressentir des choses différentes. Des choses qui sont complètement opposées. Et aussi l’idée de ne pas contrôler ce que je fais.


En tout cas, face à tes dessins on n’a pas d’autre choix que de se prendre une bonne bourrasque d’art libre. Tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère.
Emilie Caie : Merci! Et oui, j’aimerais pas y aller avec le dos de la cuillère, j’aimerais même bien passer à la cuillère à soupe !
On y voit aussi des références pornographiques mais baignées de surréalisme. Est-ce que dessiner et fantasmer ne deviennent pas un seul et même verbe?
Emilie Caie : Peut être oui que je dessine comme je fantasme. Partir d’un geste, d’une fesse, d’un mot et imaginer toute une histoire derrière. D’ailleurs j’utilise le collage pour ça, c’est mes éléments déclencheurs de fantasme. Je les trouve, je les colle et de ça je me laisse envahir.


Comment t’est venue cette idée des cosmonautes branleurs?
Emilie Caie : Aucune idée. Elle est venue. Je lui avais rien demandé mais elle était là ! Je crois que j’aimais beaucoup l’idée de sperme flottant. De la matière. Puis l’espace doit être un bel endroit pour se masturber.
C’est d’ailleurs peut-être ton seul dessin qu’on peut décrire en deux mots. Aimes-tu que l’on se perde dans tes dessins comme dans un rêve qui fait peur et qui excite ?
Emilie Caie : Oui, j’aime beaucoup. J’aimerais que l’on se perde pour se retrouver. Qu’on se confronte à ses instincts, ses tabous et qu’on les comprenne. J’aime beaucoup m’y perdre aussi et y mettre ce qui me fait peur et ce qui m’excite, c’est un peu comme des scans d’un état d’esprit a un moment X ou Y. J’y mets aussi mes rêves d’ailleurs.


Il y a beaucoup de pénis, est-ce que tu expliques leur présence? Ils rampent, ils pissent… Ont-ils une signification particulière?
Emilie Caie : Il y a beaucoup de pénis, mais il y a aussi beaucoup de vulves, de seins. Qui crachent, pissent, s’expriment également ! Après effectivement, ils sont souvent présents en nombre, parfois sans corps porteurs, parce que je pense qu’ils sont la représentation de la construction sociale de la masculinité. En les représentant, je questionne et j’interroge mon rapport avec eux et ma construction en tant que femme hétérosexuelle, mon point de vue sur leurs places dans la société. Tout plein de choses loin d’être érotiques.

Peux-tu nous parler de ce que tu fais actuellement, j’ai bien hâte de voir tes nouveaux dessins ?
Emilie Caie : Je fantasme de dessiner! Ahah et de faire de la céramique, des bouts de costumes, le plus de choses possibles !


Dessins par Emilie Caie
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