MEAKUSMA

L’aventure Meakusma ne fut pas sans peine. Je dus me résoudre à y aller seul. Jusqu’au moment du départ tout semblait incertain à cause de douleurs persistantes dans le bas de mon dos. J’ai donc renoncé au camping gratuit que propose le festival, entouré de petites cultures il avait l’air mignon. Mais avec la pluie + la tente 3 personnes + le duvet + le matelas gonflable qu’il aurait fallu trimballer jusque là, je pense que je me serais effondré au milieu de la Belgique, et je n’aurais jamais pu vous rapporter ce qui suit.

Je dépense mes économies dans une chambre d’hôtel super chic, le dernier hôtel en ville possédant des chambres libres. J’ai une soirée et une nuit de retard quand j’arrive à Eupen. La pluie battante essaie de m’assassiner, une fois dans ma chambre, je me dénude. Sur la route menant à l’ancien abbatoir où loge Meakusma trois jours durant, je reprends ma respiration. Eupen est une petite ville belge germanophone, une grande forêt avec des petites maisons, de quoi se sentir un peu dépaysé. J’étais super curieux de voir ce festival plein de découvertes expérimentales, proposant une sélection de dance apnéique et de drone pacifique.

Meakusma est un petit monde dans lequel on se perd instantanément. La perdition est partie prenante du service offert. Je le pense très sincèrement car je me suis perdu plus d’une fois, pénétrant dans des salles où je n’étais pas attendu, ou dans des lieux où je ne m’attendais pas à tomber, parfois même des lieux qui m’effrayaient, et me faisaient ressentir bien des choses propres au dégoût. Pourtant j’y étais, et j’expérimentais quelque chose de pas commun. Meakusma est une expérience proposée, qui se décuple en une infinité d’expériences, qu’on peut saisir, ou bien éviter en buvant une soupe dans un long couloir. En cela c’est peut-être le festival qui propose le plus de dialogue.

Le doute y trouve une place nouvelle. Même si un truc nous fait profondément chier, on sait qu’on trouvera peut-être une pépite juste après. Le Doute Positif. Mary Ocher. Artiste russe et allemande, proche de King Khan l’uluberlu que je finis vraiment par adorer, fait de la musique new age politique qui n’est pas sans rappeler Laurie Anderson. Je m’assieds dans cette salle où un temps on arrachait des animaux à la vie. Je suis plongé dans le doute alors je plonge mon ennui dans ma limo et en même temps, des extraits de lumière me submergent ci et là. Le temps n’a plus de raison d’être. Je perds peu à peu l’envie de regarder sur le programme des noms à 90% inconnus, et je me projette. L’Allemagne à deux pas, je découvre Anthony Moore & The Missing Present Band, groupe qui travaille le Temps depuis quatre décennies. Tout en symbolique, mon cul sur ma chaise, je me soustrais à ma propre existence pour simplement prendre mon pied. A moins que je confonde avec The Jon Gibson Group, des américains jouant du rock expérimental le lendemain. Je m’y suis perdu, je vous avais prévenu. Tard dans la nuit, je retrouve mon hôtel sans trop de mal. Après avoir marché, entendu des filles pleurer dans la nuit. Je me mets à rêver.

Le festival ne ferme jamais ses portes du vendredi vers 17h au lundi vers 7 ou 8h. Ca inspire la tendresse. Dublab la radio Future Roots de Cologne retransmet en direct pendant plus de 40 heures et occupe une salle dans une espèce de grenier. C’est minuscule, et une ribambelle de djs, de mecs faisant des lives trop zarbi, trop relous et trop cool vont y défiler. Je ne parlerai, ça va de soi, que de ceux qui ont joué quand j’étais là et/ou à fortiori de ceux qui ont animé quelque chose en moi*. Pourvu que je me souvienne un peu de leurs noms, puisque c’était parfois dur de savoir. Certains comme Nosedrip, dont je ne connais pas le visage, ayant annulé et personne ne nous le dit, mais comme c’est deux personnnes qui mixent à la place, c’est bon j’ai compris. Bien qu’encore une fois je me demande si le temps fonctionne ou si Meakusma a juste tout déréglé. Matt Werth et tous ses délires psychédéliques. Ouais appelons cela un rayon de soleil. On se crée un petit espace de danse parmi les corps alanguis sur le live cannibale de Georgia, quelques moments pulpés d’exotisme bienvenu. Le set très tendre et bien senti de Laura Not, rare française dans les parages, faites de la place que je m’allonge. Coup de cœur pour le live ultra court mais ultra bien de Weird Dust, un bruxellois en lévitation, parfait pour cette ambiance d’opiacé… A la fin, du festival le lundi matin, je danse en quittant péniblement les lieux et cette fille des yeux. Le set final par les boss de Dublab Köln est top, dansant savoureux, sale.


Durant les balades je fais des rencontres, parle à des inconnus, même si nous sommes tous un peu perdus, cette fois dans le langage. J’ai aimé d’un fol amour le live du Dominique Lawalree Ensemble, une musique inspirée d’Erik Satie, contemporaine, cinématographique, très puissante émotionnellement, naïve à de nombreuses périodes. Ce final solitaire, Listen To The Quiet Voice, est insidieusement pénétrant, on voudrait que ça ne s’arrête jamais. Dans des registres différents, je pense aussi au live foutraque de Baleine 3000, aux nappes surréalistes et vampiriques de Lucrecia Dalt…

Meakusma est le festival de l’étrange, de la surprise, du temps suspendu. En turc Kusma veut dire vomissement, et mea en roumain c’est « ma ». Je ne crois pas que ça veuille dire quelque chose et je ne crois pas qu’on puisse comprendre, je crois qu’il faut le vivre.
La 3ème édition se tiendra bien sûr à Eupen les 7, 8 et 9 septembre.
Je rentre vers la France, je sais pas combien de temps ça va me prendre, sûrement trop, mais fuck, dans le train je filme le paysage, et je bouquine le journal du festival, car oui les mecs ont eu la bonne idée d’éditer un journal qui te fait un peu entrer dans l’univers Meakusma. Tu rentres donc léger, et en même temps tu sais pas trop ce que tu vas raconter à tes copains, alors tu t’inventes des histoires, tu deviens cinglé et t’en es bien conscient. T’es sauvé.
Docu Texte&Photo par Charly Lazer
*Il se peut que j’ai triché un peu et écouté les podcasts de Dublab pour me souvenir à postériori et que du coup j’ai fait des découvertes, c’est pas ma faute le temps était déréglé, j’ai loupé des trucs dans la petite salle du haut, du coup je découvre après coup. Tu peux d’ailleurs réécouter les trucs dont je parle dans ce paragraphe en tapant le nom de l’artiste + dublab sleepless floor sur google ou en clickant ICI.

- édito
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- Mixtape d’Amour par Kubebe
- Doudeauville
- Phytophilie
- Prose à la Pomme
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- Passiflora Edulis
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- Allie
- Indéros N°17