Allie

« De la "douceur brutale", j'adore ça ! »

Han Han : Tu as été une espèce de coup de foudre musical. Depuis la première fois où j’ai entendu tes chansons et découvert l’incroyable, presque brutale, douceur qui s’en dégageait, tu m’as eu. Peux-tu dire que t’a mené à créer ce projet, Allie ?

Allie : De la « douceur brutale », j’adore ça ! Allie n’était pas un projet au départ, j’ai simplement commencé à faire de la musique seul car ça ne marchait pas trop quand j’en faisais avec d’autres personnes. Tous les groupes dans lesquels j’ai été se sont dissous. Du coup j’ai voulu savoir si je pouvais le faire par moi-même, sans dépendre de l’humeur de qui que ce soit.

Pourquoi t’écris ces chansons et qu’est-ce que tu ressens quand tu composes de la musique ?

Je les écris dans un premier temps parce que c’est amusant, vraiment amusant. Et je suis persuadé que c’est la même pour tous les musiciens, même s’ils prétendent qu’ils sont dans une grande mission. C’est pour le fun, mais pas dans un sens superficiel. Ça amène une joie profonde et de la satisfaction. Même quand je suis au plus bas, je me dis que créer de la musique est la seule chose qui me puisse me faire remonter à la surface.

Tu nous concoctes un nouvel album ? Deux morceaux viennent de sortir, que peux-tu en dire ? As-tu modifier ta façon de composer et d’écrire ? En quoi était-ce différents des précédents efforts ?

J’ai en effet fini quelques chansons récemment, mais à présent je ne les conçois plus comme les parties d’un album. Je vais les sortir une par une, accompagnés de vidéos, parce que pour moi elles méritent d’avoir leur propre place et aussi parce qu’elles sont plutôt différentes les unes des autres. Je crois qu’elles sont plus directes que les morceaux plus anciens, permettant plus facilement à l’auditeur de se connecter et de suivre les paroles. Et puis elles sont beaucoup beaucoup mieux produites que tout ce que j’ai fait dans le passé, elles sonnent mieux. Le premier single, Goodbyes, est sorti en janvier et le second, Say No, est paru début février.

Quelles furent les plus grandes difficultés que tu as endurées en écrivant ces nouvelles chansons ?

Écrire les paroles ! Tout le reste est venu si facilement. Arranger la chanson et écrire les mélodies n’a pas pris la moitié du temps qu’a pris la recherche du mot juste. Je me suis mis en tête que chaque mot devait bien sonner ET faire sens en même temps. Mais faire ces deux choses revenait à jouer au Jeu de la Taupe, tu enfonces un problème et un autre apparaît ailleurs. Ça peut prendre des mois.

Sur scène tu es solo, et c’est simplement puissant. Je pense sincèrement que tu ne tournes pas autant que tu le mérites. Es-tu d’accord avec ce constat ? Est-ce ta volonté ?

Je gère moi-même mon booking et je joue aussi souvent que je le veux. Les lieux où je joue, ça c’est une autre histoire. Bien sûr j’adorerais jouer dans des lieux plus grands et de voir davantage de gens venir à mes concerts, mais j’imagine que ce sera toujours le cas, peu importe le succès que je peux avoir. Je tourne seul sur quasiment tous les concerts, mais dans les festivals et sur de plus grandes scènes j’ai commencé à jouer avec un groupe, aussi.

Aimes-tu voyager ?

J’entretiens une relation amour/haine avec le voyage. C’est une nécessité de voyager pour jouer live et ça peut être très enrichissant, mais aussi super stressant et chaotique, peu importe mon niveau de préparation. Mais je suis en quelque sorte heureux d’être forcé à faire tout ça car je sais que c’est bon pour moi de me mettre dans des situations nouvelles, là où je n’ai d’autres choix possible que d’improviser.

J’ai vu que tu es allé au Brésil avec le Goethe-Institut, peux-tu nous dire dans quel cadre et comment ça s’est passé ?

Il s’agissait d’une résidence d’artiste de deux mois à Salvador de Bahia, financée par Musicboard Berlin, et c’était génial. J’avais mon espace perso au sein de l’institut et le luxe de pouvoir œuvrer sans penser à rien d’autre. J’ai fini par filmer cinq vidéo-clips et les super personnes de l’institut m’ont beaucoup aidé à les réaliser.

C’était comment le Brésil ? Peux-tu nous parler de beaux et spéciaux instants que tu as passés là-bas ?

C’est un monde radicalement différent à plusieurs niveaux. Je nourissais les singes chaque matin après le petit-déj. Ils vivaient dans un manguier juste sous la fenêtre de la cuisine. L’institut ressemblait à une petite forteresse, entouré de murs hauts, de barbelés et très sécurisé – à l’instar de toutes les maisons dans la rue. Salvador a le taux de meurtre le plus élevé du Brésil, bien au-delà de Rio ou Sao Paulo. J’aurais préféré que ce soit un cliché déplacé, mais après avoir assisté à l’exécution d’un mec sur la plage par deux membres d’un gang cagoulés, être en sécurité a été un souci de tous les instants. Le résultat c’est que je suis resté la plupart du temps à l’institut and dans un hotel pas très loin, et je travaillais, ce qui est un peu dommage mais aussi très productif. L’institut est bien connecté avec la scène artistique de la ville, ce qui m’a permis de travailler avec des danseurs locaux, des musiciens et des comédiens pour les vidéos. Nous avons tourné aussi bien sous l’eau que sur le toît d’un hôtel de 30 étages surplombant la baie. Des instants inouabliables.

Pourquoi ce retour à Berlin ?

Parce que Berlin est ma maison. Ma famille est originaire de Berlin, alors j’y ai vécu là et aux alentours depuis ma plus tendre enfance et j’y ai emménagé juste après mes études. C’est un endroit spécial pour moi. Encore maintenant quand c’est glacé et que le soleil ne se montre qu’une fois en trois semaines.

Et en ce moment, quelles sont les choses qui te passionnent ?

Actuellement je suis vraiment passionné par les échecs, j’ai commencé à y jouer il y a quelques mois. Si quelqu’un veut se mesurer à moi, mon nom c’est janmolin sur chess.com.


Merci Allie
Photo par Orange ‘Ear
Interview par Charly Lazer

 

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