Rencontre avec Petites Luxures


D’abord un grand merci à Éric DELECOURT, Directeur de Acid Gallery de m’avoir réservé un créneau lors du passage de Petites Luxures à Lille. Au gré de ses voyages, sensibilités et collections artistiques, Éric est passé de garde du corps international à galeriste d’art. Acid Gallery existe depuis maintenant un peu plus d’un an et ça envoie !
Bon alors ? Est-il nécessaire de vous présenter Petite Luxure et son élégante indécence ? Un sens de la synthèse graphique (et de l’humour) qui sévit depuis maintenant 5 ans, dans une incandescente délicatesse… Bien sûr on aime, comme les 1.2 millions d’abonnés du compte Instagram. Ici et là, sur les Internet, on trouve quelques articles et interview à son sujet. Mais avec l’accent québécois, j’ai envie de vous
dire : « Frinchement… On a envie d’en savoir plus que ça !»
Mais qui es-tu ?
Nom, Prénom : FRANKART Simon
Age : 39 ans
Lieu de naissance : Reims
Groupe sanguin : O positif je crois
Pointure : 42 mais ça dépend des marques
Signe astrologique : Taureau
Dessert préféré : Pas facile, mais je choisis le Paris-Brest
Qu’est-ce que tu rêvais de faire lorsque tu étais enfant ?
J’ai toujours dessiné et voulu faire quelque chose d’artistique, mais le truc le plus précis dont je me souvienne c’est à la fin du collège/lycée. Je voulais être architecte mais Il y avait trop de mathématiques, j’ai donc vite abandonné.
Est-ce que tu te souviens de tes premiers dessins ?
Enfant, j’étais fan de Tolkien. Je dessinais beaucoup de chevaliers, de dragons, très heroic fantasy.
Et lorsque que tu es devenu ado, tu dessinais les mêmes choses ou les hormones ont eu raison de tes coups de crayon ?
L’adolescence c’est un mélange de tout. J’ai découvert des trucs qui étaient entre les deux, du genre Frank Frazetta. C’est de l’heroic fantasy avec des dragons, mais aussi des femmes qui portaient des strings en côte de maille. Le truc hyper kitsch que je n’assumerais plus aujourd’hui. Et puis c’était la période du Grunge, j’ai fait pas mal dessin un peu destroy, antifasciste, j’étais un peu punk aussi.



Est-ce que tu peux nous décrire un peu ton processus créatif ? Comment ça se passe ?
Ça vient d’abord des mots. Quand on me donne des mots, j’arrive à les transcrire en image. L’inverse, beaucoup moins. J’adore les mots, la lecture, mon père était prof de lettre, j’ai un peu baigné là-dedans.
Donc d’abord les mots…
Oui et puis ce ne sont jamais des mots érotiques à la base. Ce qui est rigolo dans le processus, c’est de prendre des choses qui ne sont pas du tout érotiques et de les rendre coquines. Illustrer un film porno je ne vois pas l’intérêt, alors que si on se penche sur une recette de cuisine, c’est beaucoup plus intéressant.
Comme le fameux « zone de mouillage » par exemple…
« Zone de mouillage » c’est parce que j’avais envie de faire des rayures, marinière, marin…
Ce petit tatouage d’ancre marine que l’on voit régulièrement sur les personnages féminins de tes créations, ça signifie quelque chose ?
Alors ça oui… (sourire) C’est un clin d’œil à ma femme.
Elle est bretonne ?
(rires) non pas du tout ! J’ai aussi un tatouage d’ancre sur mon bras. On s’est rencontré sur l’île d’Yeu. On a beaucoup d’histoire sur l’île d’Yeu. Elle porte ce petit tatouage que je lui ai dessiné. Quand on fait un vernissage, elle porte toujours une robe dos nu pour qu’on le voit un petit peu.


Tu travailles dans quelles conditions ? tu as un atelier ?
Ça a beaucoup évolué en 5 ans. Au début c’était un peu partout. Dans les transports, les musées, chez moi… Ensuite, pour me consacrer un peu plus à Petites Luxures, j’ai décidé de travailler au 4/5 dans mon agence de pub où j’étais graphiste. Mais ça n’était pas suffisant. J’ai pris une année sabbatique et j’ai finalement démissionné en juillet 2019. Maintenant j’habite une vielle maison de campagne à l’est de Paris que l’on a retapé. Ça fait 6 mois que le grenier a été aménagé en atelier.
C’est quoi une journée de Petites Luxures ?
C’est un peu la course. Réveil à 6h, je m‘occupe de mes filles, ensuite je me consacre à Petites Luxures. Il y a des jours ou je ferme la porte en mode autiste et je ne fais que dessiner. D’autres où je vais voir mon éditrice à Paris avec laquelle je suis pote. On parle de bouquins, d’expos, on s’organise.
Est-ce tu t’imposes des limites ou y a-t-il des sujets ou des situations que tu refuses d’aborder ?
Je ne le fais pas intentionnellement. Je fais selon mon inspiration. D’après ce que dit mon psy, je suis à peu près équilibré. Je ne pars pas sur des scènes de pédophilie ou autre.
Pour tout te dire, je suis un peu tombé sur le dessin érotique par hasard. Ce n’était pas une volonté de ma part mais quand j’ai vu que ça marchait, j’ai poussé le créneau. Du coup j’ai voulu me faire une culture érotique notamment par la littérature. J’ai lu Apollinaire et d’autres, notamment Anaïs Nin et j’étais limite choqué. Il y a quand même des nouvelles nécrophiles, des incestes… Ma morale me l’interdit. Cependant, montrer un plan à trois avec une levrette, en tant qu’être humain, ça ne me choque pas.
Je ne me force à rien et je choisis. Par exemple, je suis content d’être investi dans les mouvements féministes. Je suis tombé sur des féministes un peu punk lors de mes premières expos à Los Angeles. J’adore ça, ce sont des valeurs dans lesquels je me retrouve. Je n’ai eu que des sœurs, je n’ai que des filles. J’ai évolué dans des milieux très féminins.
Des fois, on me dit que ma façon de représenter la sexualité n’est pas universelle, qu’il n’y a pas toutes les orientations ou les ethnies. J’ai choisi de faire des « non-personnages ». Je préfère en dire le moins possible pour que les gens remplissent eux même les trous.
As-tu déjà eu des demandes ou des propositions de collaboration un peu chelous ?
Oui ça arrive, notamment un. Voilà, il voulait se faire tatouer sous la bite une scène de pipe avec la mention « shut your mouth ». Mais du coup ça m‘a fait penser à un dessin que j’avais fait pour cette expo féministe à Los Angeles. C’était une femme qui était assise sur le visage d’un homme avec la mention « shut the fuck up ». Je pense qu’il n’avait pas vraiment compris à la démarche…
Il y aussi cette histoire avec Marc Dorcel, avec qui j’ai refusé une collaboration et qui a finalement sorti un lubrifiant intitulé « Little Luxure » avec des dessins très proches de mon travail… Je suis un peu en bisbille avec eux.
Sinon, j’ai collaboré avec Erika LUST qui est une réalisatrice de films alt-porn, des produits de lingerie et la marque de chaussure californienne CLAE.
Les censures sur Instagram c’est fréquent ?
Ça m’arrive 2 à 3 fois par an. Un matin, mon compte avait été supprimé avec 800k followers. J’aurai pu difficilement réatteindre cette audience qui avait mis 3 ans à s’installer ; surtout qu’à l’époque, j’avais démissionné et je commençais à avoir quelques projets naissants. Je les ai contactés, en sachant qu’ils ne peuvent pas censurer des œuvres artistiques réalisées à la main. Du coup, ils ont rétabli la situation. J’ai aussi arrêté d’utiliser des hashtags car ça m’apportait plus de problèmes qu’autre chose.
1.2 Million d’abonnés sur Instagram. Y a t-il eu des moments où le following de ton compte a été boosté ?
Oui ça peut arriver. Une fois, un acteur brésilien connu dans son pays a reposté une de mes créations. Du coup le lendemain, je me suis retrouvé avec pas mal de followers brésiliens, ce genre de choses…Mais plus on a de followers, plus les like se tassent. Quand tu as 1000 abonnés, tu peux avoir 10% de like et quand tu en as 1 millions, tu peux rester à 1 % de like.


Que pense ta femme de tes dessins ?
C’était un peu compliqué au début. Que ce soit ma femme ou mes parents j’ai dû leur faire comprendre que ce n’était pas autobiographique. Plutôt des fantaisies rigolotes. Au début elle me posait plein de questions « Pourquoi ? Comment ? C’est qui ça ? Pourquoi elle fume ? Moi je ne fume pas ! » et puis c’est vite devenu une blague. Maintenant, elle est investie également sur le projet.
Est-ce que tu as déjà utilisé tes talents de dessinateur pour séduire une femme ?
Ça fait longtemps que je ne peux plus m’en servir. Pour ma femme oui, je lui fais des Petites Luxures, pour elle, de temps en temps.
Mais de manière plus sociale aussi. Tu sais, j’ai eu un père prof de lettre, je ne faisais pas de foot mais du violoncelle. Du coup, je ne portais pas de jean. J’étais un peu la petite victime des cours de récré, le dernier qu’on sélectionne dans une équipe de sport… Assez vite, vers la fin du collège quand on s’apercevait que je dessinais bien, les grosses brutes qui se foutaient de ma gueule venaient me demander de leur dessiner un T-shirt pour leur groupe. On s’en sort toujours un peu comme ça finalement…
Et sinon avec tes créations, tu le vis comment, le fait de contribuer au réchauffement climatique ?
Si un jour il y a l’apocalypse climatique et si c’est à cause du sexe alors tant mieux, si on peut finir comme dans Le Parfum de Süskind, moi ça me va. En tout cas, j’espère contribuer au bon réchauffement climatique.

« Histoire Intimes » vient de paraître chez Hoebeke. Une sélection de 50 histoires intimes, vécues et écrites par 50 hommes et femmes du monde entier et mise en image par l’auteur dessinateur, dans une reliure classieuse. Les récits au format court vous feront sourire, d’autres vous ramèneront sans doute à votre propre histoire…
Dessins : Petites Luxures
Propos recueillis par Jean Bamin

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