La Queue Hydrophobe
De La Densité Des Corps

Je n’arrive pas à enlever l’huile de la poêle. L’eau n’est pas assez chaude, mes mains sentent le cramé. G est parti chercher de quoi grailler, rien à la maison ne lui donne envie. Mes jambes nues sont brûlées, à vif, plaques chaudes. Un moment de faiblesse, renversée sur le feu. Vite fait, mal fait, on a baisé. Ça laisse des marques rouges sur mes fesses.
J’ai lu deux chapitres d’un livre à la con, je n’ai aucun souvenir. Me revient seulement la sensation de tes baisers entre mes seins, encore coiffés de ton souffle, cimes désertées. G reste inerte sur le canapé, comme ce clou au mur, vide d’utilité. Caresse maladroite, il me perce l’œil. Je vais casser la croûte, la tête dans le frigo pendant que mes nerfs brûlent. Jamais eu autant envie de te bouffer.
Une heure et demie de film pour m’endormir sur les dix dernières minutes. Misère, toujours la même. Je pense à ceux qu’on n’a jamais su voir, nos corps nus sous l’éclipse bleue. Les joues rouges des jours heureux, j’écartais les jambes pour échauder ton azur.
Le rosé est le seul à colorer mes journées et mon bain. G interrompt le rituel pour pisser. Je le trouve franchement moche, depuis plusieurs jours. Aurélien et Bérénice, à l’envers, une vraie vie de merde. Il me demande de le sucer, je lui dis que je n’ai pas goût à ça. Il se retourne et s’en va, comme pour faire la gueule. Ça ne me fait ni chaud, ni froid. Un plan de viande froide sur du marbre, en noir et blanc, serait plus tiède que mon ventre aujourd’hui. Je peins dans la salle de bain les pierres chaudes du château que tu voulais m’offrir. Ton nom, de la buée de mon corps, est écrit sur le miroir. Je m’y admire, déshabillée de toute autre ébauche, encore mouillée de toutes mes pensées. J’ai laissé un lac de regrets disparaître dans le siphon de la baignoire.
La vieille tapisserie à fleurs prend l’humidité. C’est dommage parce que je l’aimais bien. J’ai sûrement abusé des bains, peut-être même du rosé. Je sens le monde tourner pendant que le disque grésille. Morose, je te vois toujours, en plein écran, m’offrir un bouquet et une autre vie. Elle ne tournerait qu’autour de nous, serpenterait ton dos jusqu’au creux de mes reins, route casse-gueule du Sud de la France. Un mirage de virages à venir, et juste la peur de mourir. Mais pas celle de vivre.
J’ai froid à l’idée de me glisser dans le lit. Il y a de la neige au fond des draps, je le sais. Jamais eu autant envie de te bouffer. Mon cœur gargouille, je meurs de faim.
Texte et photo : Romy Lux

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